Chirurgie des tissus mous

Les corps étrangers thoraciques

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Introduction

La présence de corps étrangers (CE) chez le chien et le chat est une condition assez fréquente (2-3-5-9-10). Ils peuvent se retrouver quasiment à n’importe quel endroit du corps et être de toute nature. Les corps étrangers peuvent être ingérés, inhalés, pénétrer par effraction n’importe où au niveau de la peau ou de la muqueuse oropharyngée ou encore être constitués d’implants chirurgicaux qui ont migré. Ils peuvent parfois être retrouvés très loin de l’endroit où ils ont été implantés (broches), ou par lequel ils ont pénétré l’organisme (6). Au vu de la répartition des espèces étudiées dans les diverses publications, la mise en évidence de CE bronchiques est plus rare chez le chat que chez le chien (1-10-11).

Dans le cas des CE thoraciques, 5 voies d’entrée ont été répertoriées dans les publications étudiées :

  • L’inhalation (1-2-3-10-11),
  • La déglutition (5-6-7-8),
  • L’effraction de la paroi thoracique de l’extérieur vers l’intérieur (données personnelles-10),
  • La pénétration depuis l’abdomen (6),
  • La migration d’implants métalliques (broches) depuis la colonne vertébrale (6).

Cette présentation a pour but de traiter uniquement des CE thoraciques, de leur diagnostic en fonction de leur nature et des options thérapeutiques chirurgicales.

Les différents types de CE et les populations à risque

La littérature regorge d’exemples de CE chez le chien et le chat : ils peuvent être d’origine métallique (broches, balles de fusil, plomb, hameçons, clous, trombones,
…), végétale (épillets, graines, échardes, épines, morceaux de bois, cure-dent, …), animale (épine de porc-épic, coquillage, os, dent, …), pétrochimique (brosse à dent pour chien, morceaux de plastiques, …), alimentaire (lamelles à mâcher, os en peau de buffle, …) ou encore minérale (cailloux).

Lorsqu’il s’agit de CE végétaux comme les épillets, les saisons de prédilection sont le printemps et l’été et touchent principalement des chiens de chasse ou de travail. Il semblerait que certaines races de chiens soient prédisposées au CE œsophagien (chiens de petite taille genre Terrier avec une représentation importante des WHT) (2-5).

Diagnostic

Le diagnostic repose à la fois sur le recoupement des symptômes, des commémoratifs, de la saison, de la race du chien et de son activité. Les techniques d’imagerie sont d’une aide précieuse pour la mise en évidence des CE ou des lésions qu’ils occasionnent. De par leur nature variable et la chronicité fréquente des lésions, il est parfois compliqué, voire impossible de mettre le CE en évidence à l’aide d’une seule technique d’imagerie. Il n’est pas rare de devoir coupler plusieurs méthodes. Les résultats d’analyses du laboratoire sont souvent peu spécifiques et ne suffisent pas pour conclure.

Signes cliniques

En phase aiguë, les CE inhalés passent le plus souvent inaperçus. Les symptômes apparaissent lors de la migration au travers des voies respiratoires (2).

Une toux productive ou non peut être présente, accompagnée ou non de râles crépitants et d’intolérance à l’effort. La fréquence cardiaque peut être élevée, il peut y avoir de la polypnée et une diminution localisée des bruits pulmonaires à l’auscultation. Des masses pariétales thoraciques peuvent être visibles, accompagnées ou non de fistule(s). La figure 1 montre un gonflement de la paroi thoracique ventrolatérale gauche d’un Setter anglais de 2 ans. Les animaux sont souvent normothermes mais une légère pyrexie peut être constatée. Une lymphadénopathie localisée est parfois présente ainsi que de l’halitose. Un cas d’ostéopathie hypertrophique a été rapporté suite à la présence d’un ongle dans une bronche (3-4-8-11).

Gonflement de la paroi thoracique ventrolatérale d'un jeune Setter anglais atteint de CE migrateur inhalé plusieurs mois auparavant

Figure 1 : Gonflement de la paroi thoracique ventrolatérale d’un jeune Setter anglais atteint de CE migrateur inhalé plusieurs mois auparavant (© F. Sanspoux)

La migration d’épillets dans le poumon et l’espace pleural peut causer une pneumonie lobaire, des abcès, un pneumothorax, un pyothorax. Ces différents symptômes peuvent être combinés (2).

En cas de CE œsophagien, on constatera plutôt de la salivation, des vomissements ou tentatives de vomissements, de la nausée, des bâillements, de la douleur, de l’anorexie, des régurgitations, de l’agitation, de la douleur ou encore un inconfort respiratoire (5-9).

Si le CE provient d’une migration (broche par exemple), les symptômes sont associés aux lésions causées : dyspnée aiguë, pneumothorax, fréquence cardiaque augmentée (6).

Des fistules de différentes natures sont parfois mises en évidence. Elles sont par exemple cutanéo pulmonaire, œsophago aortique, œsophago trachéale, œsophago bronchiale ou encore broncho cutanée. (4-7-12).

Biochimie et numération formule sanguine (NFS)

La numération formule sanguine (NFS) est fréquemment normale à subnormale accompagnée d’une neutrophilie modérée dans les cas chroniques. Les paramètres biochimiques sont aussi parfois modifiés dans les cas chroniques : hyperprotéinémie, hyperglobulinémie, hyperglycémie modérée et diminution du rapport albumine/globuline signent une stimulation antigénique chronique (4-7).

Bactériologie

La mise en culture du liquide de décharge des fistules révèle différents germes non spécifiques tels que Escherichia coli, Enterococcus spp., Staphylococcus aureus, Staphylococcus epidermidis, Corynebacterium spp., Pasteurella spp., Mycoplasma spp. (4-7-10-12). La plupart du temps, un traitement antibiotique ciblé permet une fermeture des fistules donnant l’apparence d’une guérison mais dès l’arrêt des traitements, il faut en général peu longtemps pour que la décharge purulente reprenne vigueur, soit au même endroit, soit un peu plus loin.

Imagerie

Le choix de l’imagerie peut s’avérer compliqué et il est souvent nécessaire de combiner plusieurs techniques. Mais aussi, le choix de l’examen dépend de la nature suspectée du CE.

La radiographie
Son utilisation en clientèle est très répandue et elle peut apporter bon nombre d’indications sur la nature du CE et sa localisation. Tout corps étranger radio opaque sera facilement mis en évidence qu’il soit œsophagien ou thoracique. La mise en évidence d’un caillou, d’une pièce métallique ou d’un os ne posera aucune difficulté (5-6-8-9). La figure 2 montre un plomb de carabine à air comprimé logé dans le foie d’un Epagneul breton de 16 kg.

Plomb de carabine à air comprimé retrouvé dans un Epagneul breton de 16 kg au niveau du foie

Figure 2 : Plomb de carabine à air comprimé retrouvé dans un Epagneul breton de 16 kg au niveau du foie. Le plomb a pénétré le thorax au niveau de l’ars (© F. Sanspoux).

En revanche, les CE végétaux posent plus de problème. Souvent, les débris végétaux ont séjourné un certain temps dans l’animal avant la consultation et leur apparence radiographique se rapproche de celle des tissus avoisinants. Ils sont quasiment indétectables. Malgré cela, il est possible de mettre en évidence des opacifications focales pulmonaires ou alvéolaires, un pneumothorax, un épaississement pleural, une effusion pleurale ou médiatisnale, une masse thoracique pariétale, une bronchiectasie, des réactions périostées vertébrales ou costales qui peuvent orienter le diagnostic (1-10).

Une solution simple et peu onéreuse permet de repousser un peu plus loin les limites de la radiographie lors de suspicion de CE végétal : la fistulographie et la sinographie. La fistulographie consiste à injecter un produit de contraste iodé dans le trajet de décharge à l’aide d’une sonde de Foley. Le produit de contraste doit être d’une osmolarité faible, hydrosoluble et non ionique. Il est important de respecter cette règle car un produit de contraste ionique peut entraîner une forte réaction inflammatoire du parenchyme et causer la mort. La sinographie consiste en l’injection du produit de contraste directement dans une cavité afin de relever son contour (4-12).

Fistulographie en vue latérale droite (A) et dorsoventrale (B).

La figure 3 est un exemple de fistulographie sur un Siberian Husky de 6 ans (12).

Figure 3 : Fistulographie en vue latérale droite (A) et dorsoventrale (B). La fistule s’étend depuis un abcès sous-cutané vers la bronche. Notez la prolifération périostée sur la deuxième et quatrième côte gauche (réf.12).

L’échographie
L’échographie est un excellent moyen de diagnostic pour les CE migrateurs d’origine végétale dans le thorax. Elle peut être transthoracique sur animal vigile ou transœsophagienne sur animal anesthésié. Généralement, les épillets apparaissent comme des structures fusiformes hyperéchogènes de longueur variable. Le CE est souvent entouré d’une zone hypoéchogène correspondant à une réponse inflammatoire.

Outre la présence de CE, l’échographie permet de mettre en évidence une effusion pleurale, un épaississement de la plèvre, une augmentation des nœuds lymphatiques, un abcès ou un granulome, une consolidation pulmonaire, des adhérences pulmonaires. L’échographie peut également être utilisée en peropératoire afin de localiser plus précisément le CE (2). Selon les études, l’échographie permet de détecter entre 60 et 100 % des CE mais les résultats sont très opérateur dépendant (1).

Le scanner
De plus en plus accessible, le scanner permet une meilleure localisation spatiale des lésions même si le CE n’est pas toujours visible. Il permet entre autre de localiser un trajet fistuleux, de mettre en évidence une opacité alvéolaire, une effusion pleurale, un épaississement pleural, des ganglions médiastinaux augmentés, des abcès ou des masses en région lombaire ou rétropéritonéale (10). Une étude portant sur 44 chiens et 10 chats a permis de visualiser le CE dans 19 % des cas et de montrer les lésions secondaires dans 96 % des cas (11).
La figure 4 montre un CE migrateur enkysté dans les muscles lombaires d’un Springer spaniel depuis 4 ans.

Présence d'un CE migrateur en provenance du parenchyme pulmonaire enkysté dans les muscles lombaires
Figure 4 : Présence d’un CE migrateur en provenance du parenchyme pulmonaire enkysté dans les muscles lombaires d’un Springer spaniel depuis 4 ans. Le CE d’origine végétale mesurait 4 cm de long (© F. Sanspoux – diagnostic : Yseult Baeumlin).

L’IRM
L’IRM est l’examen le moins accessible en pratique courante. Elle permet cependant la mise en évidence de CE avec une limite de détection de 2,5 mm, ce qui la rend moins attractive lors de suspicion d’épillet (1).

L’endoscopie
L’endoscopie est une technique très intéressante en cas de CE bronchique ou œsophagien car elle est à la fois diagnostique et le plus souvent curative (3-5). Une étude portant sur 41 chiens (3) a montré l’intérêt de l’endoscopie pour la localisation des CE végétaux dans les lobes pulmonaires avec une majorité de CE présents dans 76,6 % des cas dans le poumon droit. Avec par ordre d’importance : lobe accessoire droit (44,4%), lobe caudal droit (33,3%), lobe moyen droit (19,4%), lobe crânial droit (2,8 %). Dans cette étude, l’endoscopie a été curative pour tous les cas sauf pour un patient qui a dû subir une chirurgie.

Concernant les CE digestifs, une étude portant sur 102 chiens (5) a montré à la fois la localisation du (des) CE au niveau de l’œsophage et/ou de l’estomac. 57 CE étaient présents dans l’œsophage, 36 dans l’estomac et 9 dans les deux. 9 CE œsophagien n’ont pu être retirés oralement, ils ont été poussés dans l’estomac pour dissolution ou gastrotomie. Les CE œsophagiens étaient situés à l’entrée du thorax dans 4 cas, à la base du cœur dans 12 cas et dans la partie distale dans 25 cas. Cette répartition précise se comprend mieux en analysant de plus près le cheminement de l’œsophage au travers du thorax.

Pièce anatomique montrant les différentes zones plus étroites sur le passage de l'œsophage en portion thoraciqu

La figure 5 montre une pièce anatomique sur laquelle on voit précisément le passage de l’œsophage dans le thorax et les zones de rétrécissement.

Figure 5 : Pièce anatomique montrant les différentes zones plus étroites sur le passage de l’œsophage en portion thoracique (le poumon gauche a été retiré).
Flèche blanche : entrée du thorax, flèche jaune : base du cœur, flèche verte : cardia (© F. Sanspoux).

Traitement chirurgical

Il convient de distinguer l’origine du CE en vue d’appliquer le meilleur traitement chirurgical. Il faut aussi distinguer les CE migrateurs de l’arbre respiratoire, les CE œsophagiens et les CE provenant d’une migration d’une autre partie du corps ou ayant pénétré le thorax par effraction de la paroi.

Les CE inhalés

Différents cas de figure peuvent se présenter. Il existe quatre méthodes d’extraction possibles.

L’utilisation d’un rhinoscope ou d’un bronchoscope

Lorsqu’il est inspiré par l’animal, le CE rencontre d’abord la muqueuse nasale, ce qui en général provoque une gêne importante et des crises d’éternuements. Dans ce cas, il est en général facile de retirer à l’aide d’un rhinoscope. La figure 6 illustre cet exemple.

Retrait d'une herbe dans les cavités nasale d'un Fox terrier à l'aide d'un rhinoscope

Figure 6 : Retrait d’une herbe dans les cavités nasale d’un Fox terrier à l’aide d’un rhinoscope (© F. Sanspoux).

S’il est suffisamment petit, le CE peut être inhalé plus profondément et pénétrer l’arbre bronchique. Dans ce cas, il est également possible de le récupérer à l’aide d’un bronchoscope et d’une pince à corps étranger glissée dans le canal opérateur.

Recours à la bronchotomie

Si le CE est de taille importante, il peut être bloqué dans les premières ramifications bronchiques et il n’est pas toujours possible de l’extraire à l’aide d’un bronchoscope. Une bronchotomie peut alors être réalisée.

Seul le poumon opposé peut être intubé (« one-lung ventilation ») (6) afin de ne pas être gêné par les mouvements respiratoires. L’intubation unilatérale peut être réalisée à l’aveugle (les sondes trachéales sont courbées et peuvent être dirigées à gauche ou à droite) ou à l’aide d’un bronchoscope qui est inséré dans la lumière de la sonde.

La bronchotomie est réalisée en incisant longitudinalement la bronche à l’aide d’une lame n°11. Le CE est alors retiré délicatement avec une pince crocodile. La bronche est refermée avec un mono filament de polypropylène 4/0 et la cavité thoracique est remplie avec du NaCl 0,9 % après que la sonde trachéale soit repositionnée dans la trachée. La reprise de la respiration normale permet de vérifier l’étanchéité de la suture bronchique (8). Le sérum physiologique est ensuite aspiré avant fermeture du thorax.

Recours à la lobectomie

Une lobectomie peut être indiquée en cas d’abcédation du lobe pulmonaire touché ou si le CE est trop profondément ancré dans l’arbre bronchique. La lobectomie se réalise par voie intercostale en regard du lobe incriminé ou par thoracoscopie.

Suivi des trajets fistuleux

Il arrive parfois que des CE végétaux pulmonaires passent inaperçus ou ne donnent que des symptômes très frustes comme une légère hyperthermie. Après plusieurs semaines ou plusieurs mois, ces débris peuvent migrer et se retrouver à différents endroits, parfois éloignés du poumon.

Ils peuvent ainsi se retrouver dans les muscles lombaires ou à proximité des vertèbres lombaires. Ils peuvent également créer des fistules au niveau de la paroi thoracique.

La figure 7 illustre l’exemple d’un Setter anglais ayant présenté des épisodes d’hyperthermie modérée pendant plusieurs mois avant de présenter une fistule sur le côté droit du thorax juste en avant de l’appendice xiphoïde. Le suivi du trajet fistuleux a permis de retrouver 6 épillets logés dans un abcès péricardique situé au niveau de l’apex du cœur.

6 épillets retirés au niveau de l'apex du cœur d'un Setter anglais après avoir suivi et débridé un trajet fistuleux

Figure 7 : 6 épillets retirés au niveau de l’apex du cœur d’un Setter anglais après avoir suivi et débridé un trajet fistuleux (© F. Sanspoux).

Les CE déglutis

Encore une fois, plusieurs méthodes d’extraction sont décrites.

L’endoscopie

Nous l’avons vu précédemment, les CE œsophagiens peuvent se retrouver au niveau des endroits de rétrécissement (entrée du thorax, base du cœur, cardia). Il est dans la plupart des cas possible de les retirer par endoscopie en utilisant soit une pince « basket » passée dans le canal opérateur du gastroscope, soit en utilisant une pince rigide glissée le long du gastroscope.

Il est parfois impossible de l’extraire. Il peut alors être poussé dans l’estomac où il sera digéré ou retiré par gastrotomie. Tout dépend de sa nature (5). La figure 8 illustre une simulation d’extraction de CE à l’aide d’une pince « basket » introduite dans le canal opérateur du gastroscope. La figure 9 illustre les différents modèles de pinces d’extraction de CE.

La pince de type "basket" permet d'entourer un corps étranger et de le ramener délicatement vers la sortie de l'œsophage

Figure 8 : La pince de type "basket" permet d’entourer un corps étranger et de le ramener délicatement vers la sortie de l’œsophage (© F. Sanspoux).

Les 4 types de pinces disponibles pour l'extraction de CE œsophagiens

Figure 9 : Les 4 types de pinces disponibles pour l’extraction de CE œsophagiens (© F. Sanspoux).

Le cas particulier d’un hameçon piqué dans l’œsophage peut être traité par une méthode simple, sous contrôle endoscopique ou non (mais il est préférable de valider les gestes par vidéo assistance). La condition est que l’hameçon soit toujours muni d’un fil assez long qui dépasse de la gueule.

La méthode s’inspire de la pêche, il s’agit d’utiliser un dégorgeoir, tout comme pour le poisson. Le dégorgeoir « maison » est constitué d’un tube en silicone souple (ex : tube d’aspirateur chirurgical) d’une longueur permettant d’atteindre l’hameçon tout en sortant de la cavité buccale. Le fil de l’hameçon est passé dans la lumière du tube qui est délicatement introduit dans l’œsophage. Le fil de pêche joue le rôle de guide. A un moment donné, le tube vient buter contre l’hameçon qui est piqué dans la muqueuse œsophagienne. Une fois en bout de course, le fil de pêche est légèrement tendu et le tube continue à être poussé dans l’œsophage. C’est à ce moment que l’hameçon se décroche et reste bloqué contre la tranche du tube en silicone. Il peut alors être remonté sans risque de s’accrocher à nouveau. Cette méthode fonctionne très bien et nous donne entière satisfaction. Il existe dans le commerce des dégorgeoirs métalliques dédiés. La figure 10 illustre les différentes étapes d’extraction d’un hameçon planté dans l’œsophage d’un chien par la méthode du dégorgeoir.

Les étapes de l'extraction d'un hameçon planté dans l'œsophage d'un chien

Figure 10 : Les étapes de l’extraction d’un hameçon planté dans l’œsophage d’un chien. A : Le fil est souvent visible à la sortie de la gueule. B : Une pince à CE de longueur adaptée est introduite dans la lumière d’un tube en silicone (ex : tube d’aspirateur chirurgical). C : Le tube est introduit dans l’œsophage en laissant le fil de pêche tendu. D : Un fibroscope est introduit à son tour dans la lumière du tube en silicone (facultatif). E : Visualisation de l’hameçon piqué dans le tube simulant l’œsophage. F : Une fois retiré, l’hameçon est maintenu sur le bord du tube en silicone ((© F. Sanspoux).

Il peut dans certains cas y avoir de légères lacérations de l’œsophage mais ces dernières cicatrisent spontanément dans la plupart des cas à condition qu’elles fassent moins de 12 mm (9).

L’œsophagotomie transthoracique

Si le CE est trop volumineux pour être retiré par endoscopie ou s’il est non mobile dans l’œsophage, il peut être retiré par thoracotomie transthoracique. Le chien est positionné en décubitus latéral droit et une thoracotomie intercostale gauche est pratiquée de manière classique.

Il convient de rétracter délicatement les branches du nerf vague qui longe l’œsophage. Des fils de traction sont posés de chaque côté du site d’incision afin d’obtenir une stabilité durant la manipulation. Des compresses imbibées de sérum physiologique sont placées autour du site d’incision afin de limiter les contaminations de la plèvre.

Une incision dorsale ou latérale gauche est réalisée longitudinalement en face du CE. Il est ensuite délicatement extrait par des mouvements de rotation appliqués à l’aide d’une pince de Kocher. Si nécessaire, la muqueuse endommagée est débridée.
- La muqueuse et la sous-muqueuse sont suturées en surjet simple avec un monofilament résorbable 3-0 ou 4-0. La musculeuse et l’adventice sont refermées avec un deuxième monofilament en surjet simple également. Des techniques utilisant des points simples sont également décrites.
Un drain thoracique est ensuite placé avant fermeture. Son rôle sera d’évacuer l’air et les fluides. Il peut rester en place plusieurs jours si nécessaire.

Les complications possibles sont : un pyothorax, une déhiscence de plaie de l’œsophage, une pleurite associée à un hydrothorax (9).

Les CE qui font effraction dans la paroi thoracique, les CE qui proviennent de l’abdomen, la migration d’implants

Certains CE peuvent entrer dans le thorax depuis la cage thoracique (balle de fusil, morceau de bois, …). Dans ce cas, il convient d’adapter la technique chirurgicale en fonction de l’imagerie et de la localisation du CE. Si un trajet fistuleux est présent, il doit être débridé au mieux et les éventuelles communications de l’extérieur avec l’intérieur doivent être fermées. La figure 11 illustre le cas d’un Pointer souffrant de pics d’hyperthermie rétrocédant mal aux AINS. Plusieurs mois auparavant, il avait été vu en consultation pour une simple éraflure au niveau de l’ars.

Des cas de CE provenant du tube digestif ont été décrits (brochettes, cure-dents, bâtons de crème glacée, …). Ils peuvent traverser le diaphragme après avoir percé l’estomac et causer des fistules gastro cutanées, des lésions pulmonaires ou de la paroi thoracique. Le traitement chirurgical sera adapté en fonction de l’imagerie et de l’état du patient. Les fistules doivent encore une fois être débridées du mieux possible et les perforations du tube digestif doivent être explorées et traitées.

Quelques rares cas de migration d’implants métalliques ont été décrits. Leur origine peut être lointaine (grasset !) ou proche (vertèbres thoraciques) (6). Encore une fois, le traitement chirurgical doit être adapté au cas par cas.

Extraction d'un bout de bois de 8 cm rentré par l'ars gauche d'un Setter anglais plusieurs mois auparavant

Figure 11 : Extraction d’un bout de bois de 8 cm rentré par l’ars gauche d’un Setter anglais plusieurs mois auparavant. A : Point d’entrée (flèche jaune). B : Ouverture de la masse située à l’extrémité de l’appendice xiphoïde. C : Mise en évidence complète du CE. D : Mesure = 8 cm.

Conclusion

La diversité des CE que l’on peut rencontrer au niveau du thorax ainsi que les différentes voies possibles de pénétration font que leur détection et leur extraction peut parfois relever du challenge médical et chirurgical.

L’imagerie est d’une aide précieuse pour le diagnostic et il ne faut pas hésiter à avoir recours à plusieurs méthodes différentes car certaines sont plus sensibles ou spécifiques que d’autres. En clientèle généraliste, la radiographie et l’échographie permettent généralement de localiser la cause du problème et parfois sa nature. Le scanner avec produit de contraste peut affiner un diagnostic ou confirmer une suspicion. L’IRM n’apporte pas une plus-value majeure dans le diagnostic des CE thoraciques. L’endoscopie peut être à la fois diagnostique et curative. Elle est également peu invasive.

La chirurgie des CE thoraciques peut s’avérer compliquée et hasardeuse. Elle demande une certaine technicité et un équipement adapté. Il est impératif de disposer d’un moyen de respiration artificielle (respirateur, ballon) et d’intuber l’animal dans tous les cas. L’intubation d’un seul poumon présente l’avantage de ne pas être perturbé par les mouvements respiratoires de l’animal.

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